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Crise des migrants:
une crypte potentielle est-elle en train de se créer ?

A toutes et tous bonjour,

« Impossible d’oublier, impossible de se souvenir »

— Alice Cherki, psychanalyste.

Travailleuse de terrain formée à la clinique interculturelle, Barbara Mourin accompagne depuis une quinzaine d’années des personnes migrantes dans leur parcours d’installation en Belgique et est habitée par une vision résolument positive de la diversité dans la société.

A la suite des attentats de Paris le 13 novembre 2015, estimant que la psychanalyse transgénérationnelle devait absolument apporter son éclairage sur les fantômes transgénérationnels qui contribuent à l’aliénation psychique des terroristes suicidaires, j’ai demandé à Barbara de rédiger un article pour Généasens. L’encre de son texte est à peine sèche que déjà le souffle de l’explosion des attentats de Bruxelles a résonné à nos oreilles.

Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur ce qui a bien pu pousser de jeunes citoyens de notre petit pays à poser un acte d’une telle barbarie. Plusieurs d’entre eux étaient connus des services de police depuis de nombreuses années, notamment pour des faits de délinquance et une profonde désaffiliation sociale. Que se passe-t-il pour que, de génération en génération, des citoyens de notre pays, qu’ils ont contribué à construire, passent de la honte de soi à la haine de l’autre ?

Il y a 30 ans déjà, être un « descendant de l’immigration arabo-musulmane » était un héritage lourd à porter. Les années passent, et pour certains citoyens, nous continuons à compter les générations… Entre histoire familiale souvent peu ou mal transmise, en raison des affects douloureux liés à l’histoire migratoire, et silences de l’Histoire sur la dimension multiculturelle de la construction de notre pays, comment peut-on construire une identité et une appartenance à une société qui peine encore à affilier et traiter dignement les citoyens issus des immigrations extra-européennes ? N’y a-t-il pas une responsabilité de nos Etats, par leurs actions passées, dans les événements terribles qui nous frappent aujourd’hui ?

Et que dire du traitement infligé aux populations qui, fuyant la guerre, voient se fermer les portes de l’Europe ? Quel héritage historique les enfants de ces migrants d’aujourd’hui recevront-ils de leurs familles et de nos récits ? Ce sont ces questions et ces constats, miroirs tournés vers le passé pour comprendre le présent, qui sont abordées dans cet article.

Bonne lecture à toutes et tous.

Pierre Ramaut
Coordinateur de Geneasens


© Le monde

Dictionnaire

Crise des migrants: une crypte potentielle en train de se créer ? par Barbara Mourin

Chaque jour, depuis maintenant plus d’une année, nous voyons, entendons, par tous les canaux médiatiques existants, des centaines, des milliers de personnes qui, par colonnes entières, fuient la barbarie et l’anéantissement dans leur terre d’origine.
Quelle histoire familiale sera transmise par leurs familles aux descendants de ces hommes et femmes qui fuient l’horreur, pour en trouver une autre à nos portes ? Plus un événement est traumatisant pour une société, plus profondément celle-ci l’enfouit-elle dans sa mémoire. Un temps long est nécessaire pour que cet événement ressurgisse en tant qu’objet d’analyse possible et durant ce temps d’enfouissement, pas de travail de mémoire possible, le groupe social est désarmé face à cet événement qu’aucune catégorie préexistante de la pensée sociale ne permet de comprendre.
Si l’histoire d’une communauté n’est pas inscrite dans l’Histoire d’une société humaine, les souvenirs douloureux ne peuvent s’inscrire dans une mémoire collective reconnue et ils entravent l’affiliation à la société. Les descendants des migrants d’aujourd’hui, dont l’histoire est empreinte d’une telle inhumanité que leur récit migratoire familial risque d’être lui aussi impossible à dire.
Assistons-nous à la création d’une crypte au sens que donne la psychogénéalogie à ce concept ?

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